Le samedi 7 décembre 2024
De mon sofa, j’observe le théâtre dans ma télé et j’ai de plus en plus l’impression d’être le sujet d’une étrange monarchie.
Car une certaine noblesse télévisuelle semble jouir de privilèges indus dans cette boîte à images.
Le bon peuple, après tout, n’a pas élu ces gens ; ceux qui nous gratifient de la chronique de leur vie par écran interposé.
On les regarde s’inviter entre eux, dans des émissions qui les portent aux nues.
Ils se rendent un vibrant hommage en musique. Ils font un spectacle de leurs rénovations. Ils s’invitent à manger chez l’un, chez l’autre.
Et nous, on les regarde vivre leur célébrité.
Contrairement à vous et moi, ils ont par ailleurs le temps de s’inventer des jeux toujours plus élaborés : « Qui d’entre nous se cache sous le masque de cette hilarante mascotte ? » « Qui d’entre nous relèvera les défis les plus fous dans cette jungle du Costa Rica ? » « Qui d’entre nous gardera son sang-froid devant ces ailes de poulet piquantes ? »
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Des jeux pour le peuple
Cela dit, la plupart du temps, nous ne sommes pas conviés aux jeux des nobles du petit écran. C’est que ceux-ci en ont prévu d’autres pour nous : des épreuves d’élimination dans lesquelles ils s’arrogent le droit d’être les seuls juges.
Les concours de chant sont populaires, tout comme les compétitions culinaires.
Jeudi dernier, le baron Martin de Picard et le signore Stefano di Faita ont ainsi adoubé en tant que maître des fourneaux un villageois du comté de Sherbrooke, Pierre-Alexandre (pas de nom de famille, on s’en crisse).
Le jeune homme en a pleuré de joie.
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Ces jeux cruels sont souvent la seule chance pour les simples roturiers d’accéder au palais des ondes.
Et s’ils parviennent à toucher le cœur des petites gens, ils pourraient même avoir l’insigne honneur d’être invités par le roi Guy à son banquet du dimanche.
Tout le monde rêve d’une place à cette table ronde où le souverain, flanqué de son fou, reçoivent damoiselles et gentilshommes, troubadours de lointaines contrées et autres belles têtes.
Chacun et chacune, à tour de rôle, divertissent le roi et sa cour avec le récit de leurs exploits, de leurs mésaventures.
Au bout de la table, le monarque est souvent bienveillant, parfois stoïque. À l’occasion, il peut se montrer coupant avec une question qui tue.
Le banquet se déroule sous les yeux d’un public décoratif, installé sur des tréteaux autour de la grande table. À certains moments, il sera invité à applaudir docilement. On ne lui demandera rien d’autre, on s’en crisse.
Néanmoins, chacun de ces visages anonymes gardera un souvenir impérissable de cette soirée ; peut-être pour l’unique fois dans leur vie, ils auront respiré le même air que les seigneurs de l’écran divin.
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Dimanche dernier, au banquet du roi Guy, Maripier de Morin, vicomtesse de Rivière-du-Loup, avait été invitée pour nous mettre au parfum de ses récentes tribulations.
Résumé des chapitres précédents : la vicomtesse, qui a obtenu ce titre à la suite de sa participation à un jeu de séduction organisé par la noblesse télévisuelle, s’est retrouvée, au détour d’une beuverie, à croquer la cuisse d’une ménestrelle connue pour la générosité de sa chair, mademoiselle Safia de Nolin.
Le geste déplacé, une fois ébruité, souleva l’ire du tribunal médiatique, qui s’empressa de bannir l’intrigante sans autre forme de procès.
Mais rassurez-vous, l’histoire finit bien.
Mme de Morin, à ce que nous avons pu apprendre dimanche dernier, a courageusement tourné le dos aux vices de la bouteille et de l’intempérance.
Aujourd’hui, la vicomtesse renaît de ses cendres.
Et quitte à devoir vivre le restant de ses jours avec le souvenir de cette cuisse mordue en état d’ébriété, elle a décidé d’en tirer quelque profit.
Un profit qui a pris la forme d’une marque de cocktails sans alcool, dont elle est opportunément venue faire la promotion au banquet du roi Guy.
La boucle est bouclée. De cette manière, le bon peuple pourra se rappeler la légende de la cuisse croquée à chaque gorgée de ce nectar vendu 42 $ la caisse de 12.
Une ambiance de fin de règne
De mon sofa, je regarde donc ces aristocrates festoyer à ce banquet payé par mes impôts.
Je les vois monopoliser le royaume des ondes avec leurs jeux débiles et leurs émissions « entre nous ». Je vois ces précieuses ridicules faire étalage de leur vie (et nous vendre leur élixir sans alcool).
J’ai l’impression qu’une monarchie blasée s’est incrustée dans ma télévision, qu’elle ne s’intéresse plus tellement à moi, à nous, pauvres manants dans nos sofas.
J’ai l’impression que notre télévision ne s’intéresse qu’à elle-même, en fait. Qu’elle n’existe plus que pour témoigner des splendeurs de la petite noblesse qu’elle a engendrée.
Suis-je le seul à trouver ce spectacle sinistre ? « Et si on déclenchait une révolution ? », ai-je lancé à ma blonde.
En même temps, on s’en crisse.
J’ai juste fermé la télé.
*
Allez, bon samedi !
Qui suis-je ?
Je m’appelle Steve Proulx. Pour gagner ma vie, j’écris. Je fais ça depuis près de 30 ans. Vous m’avez sans doute déjà lu quelque part (ne serait-ce qu’en ce moment même).
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Ce genre de clique est partout. À La Journée est Encore Jeune, cette clique est celle de JP Wauthier et de ses amis précieux sans cesse name-droppés: Louis-José, Louis Morrissette, Louis-jean et sa princesse présomptueuse Rebecca 'HÉ! je suis ici' Mackonnen.
Ces temps-ci, cette clique (la 2ieme en importance au Qc après celle de Vero et Guy A) vante les mérite de prendre des bains froids, préférablement de votre chalet-tendance quelque part dans une région bien en vue. Évidemment, et surtout, Franchement!
"Allez, prenez un bain froid, pauvre peuple, pour redécouvrir vos sens et esprits". Le gaspillage d'eau, on n'en parlera pas.
Et la Mackonnen de s'exclamer d'un rire niais
Le parallèle monarchique est divertissant mais c'est pourtant très démocratique: comme spectateur. Quand nous choisissons d'écouter une émission, nous votons. NOUS avons élu cette élite, nous l'avons choisie avec nos choix d'écoute.
Quand une émission n'a pas de votes, elle passe au hachoir. Cette élite a prouvé qu'elle intéressait les gens. Et si la télé l'invite sans cesse, c'est que le public est au rendez-vous quand les membres de l'élite sont présents. C'est ça que les gens (du moins ceux qui regardent la télé) veulent voir.
Je repense à une certaine émission (que je ne nommerai pas) où chaque épisode est axé autour d'un seul invité. Quand l'invité est une vedette populaire, les cotes d'écoute sont très bonnes. Quand c'est un intellectuel, un artiste émergent ou un expert en son domaine, les cotes d'écoute sont... faméliques. Avec la même émission, on voit directement l'impact qu'a le choix de l'invité sur l'intérêt du bon peuple. Et comme les diffuseurs ont une pression de performance, à la saison suivante, la production a pivoté et s'est mise qu'à n'inviter des vedettes. Résultat: une amélioration globale de ses performances, qui a fait que l'émission a pu continuer.
On peut être cynique: reste que le peuple, celui qui regarde la télé, préfère les émissions de vedettes. On continue de le prouver encore et encore.