Le samedi 12 juillet 2025
Dimanche, on est allés porter la plus jeune à l’autobus qui devait la mener à son camp d’été.
Quand la porte du véhicule s’est refermée, après les tatas et bisous d’usage, on s’est retrouvés, ma blonde et moi, seuls dans l’immense stationnement du Marché Central.
Aussitôt, un sentiment de légèreté nous a étreints, comme si le poids du monde sur nos épaules avait subitement décidé de nous donner un break.
Bref, nous étions fous comme de la marde.
Les enfants provoquent ce genre de paradoxes : autant les aime-t-on d’un amour infini, autant sommes-nous euphoriques quand ils partent.
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Ah, cet état second qu’expérimentent tous les parents au moment de sous-traiter leur rôle à des moniteurs de 16 ans qui se font appeler Luciole ou Pikachu !
De cette ivresse découle la prémisse de l’excellente série C’est comme ça que je t’aime, alors que des parents, grisés par cette soudaine liberté après avoir déposé leur progéniture au camp, décident d’essayer le crime organisé pour deux semaines.
On n’ira pas jusque-là ; on est beaucoup trop honnêtes.
Ma douce a beau me répéter qu’elle est « un quart Italienne », son geste le plus mafieux, c’est la « fraude des tomates ».
Vous ne connaissez pas ? Voici : vous achetez des tomates bios à l’épicerie et vous passez à la caisse libre-service. Quand l’écran vous demande de sélectionner un produit sans codes à barres dans la liste, ne choisissez pas « tomates biologiques ». Cochez plutôt les tomates ordinaires.
La machine ne fait pas la différence.
Résultat : l’autre jour, mon quart d’Italienne a obtenu des tomates ancestrales inabordables au prix des tomates ordinaires.
C’est ça, la fraude des tomates (qui fonctionne aussi avec les concombres, soit dit en passant).
Les gros supermarchés veulent s’en mettre plein les poches en se passant des humains à la caisse ? Je ne me sentirai certainement pas mal de les fourrer un peu.
Pour une fois que ça se passe dans l’autre sens.
D’une chose à peu près italienne à l’autre
Pourquoi je parlais de ça ?
Ah oui, dans le stationnement sinistre du Marché Central, entre le Winners et le Costco, on était excités de voir partir ma plus jeune, l’autre dimanche.
Du coup, afin d’entamer officiellement NOS vacances (celles qui se déroulent dans un monde fabuleux où les enfants n’existent pas), ma douce eut envie de quelque chose de spécial. Une petite sortie à deux, on the spot.
« On vas-tu au Pacini ? » qu’elle me lance alors en pointant l’enseigne du restaurant non loin. « Y’ont-tu encore un bar à pain ? J’ai le goût d’un bar à pain ! »
C’est ainsi qu’on est entrés dans cette parodie de restaurant italien à 16 h 30. Un peu tôt pour souper ? On est fous de même.
Voilà une paie que nous n’étions pas venus au Pacini, nous sommes-nous dit en nous faisant conduire par l’hôtesse jusqu’à notre banquette.
Après consultation du menu, je commande un « spaghetti de Bologne » et ma dolce se laisse tenter par le « salmone alla griglia », un saumon accompagné de linguine au pesto et de « légumes grillés » (notez les guillemets, nous y reviendrons).
Après quoi, heureux comme si le monde nous ouvrait ses bras, nous nous sommes dirigés vers le bar à pain.
Le bar à pain du Pacini fait partie de ces choses qu’on a tendance à magnifier. Pacini le sait : son bar à pain est partout dans ses communications, ses pubs, ses médias sociaux.
En marketing, c’est ce qu’on nomme un élément de différenciation. Sans son bar à pain, Pacini ne serait qu’une autre chaîne de restaurants à peu près italiens.
On y vient pour l’expérience du bar à pain, qu’on associe sans trop pouvoir se l’expliquer à quelque chose de quasi féérique, alors que…
« Je me rappelais pas que c’était juste ça… » regrette ma douce, un brin dépitée.
Oui, bon, ça reste toujours bien rien qu’une sélection de pains tranchés Villagio, trois sortes de beurre et une plaque de cuisson vraiment graisseuse.
On est déçus. Et c’est en retournant notre tranche de pain pour apprécier les rayures grillées sur la mie que nous prenons conscience que cet instant allait être le summum de cet égarement qui nous a fait entrer ici.
Pourtant, les signes étaient là.
Nous nous trouvons dans une franchise quelconque d’un restaurant en carton, plantée au milieu du stationnement d’un centre commercial, au décor générique — sorte de chic/cheap/urbain qui n’existe que dans ces commerces insignifiants qui ont pullulé ces dernières décennies et rendu nos villes toutes terriblement pareilles.
On s’attendait à quoi ? À une expérience gustative hors du commun ? Mais non.
Mon spag’ de Bologne goûtait essentiellement le sel. Et les « légumes grillés » que s’est fait servir ma blonde ressemblaient à s’y méprendre à des légumes vapeur passés deux secondes sur le grill, juste pour le look.
Ce n’était pas immangeable, mais dire que c’était bon est un pas que je ne ferai pas.
C’était rien.
Avec nos consommations, ce rien nous aura tout de même coûté la bagatelle de 136 $.
Grâce au piège du bar à pain, les génies du marketing de Pacini auront réussi à transformer deux tranches de Villagio à même pas vingt-cinq sous en une facture dans les trois chiffres.
Délestés de cette somme, on a repris l’auto. Honteux d’avoir été ainsi utilisés, on s’est remis dans le trafic de la métropolitaine pour revenir à la maison. Quand on est arrivés, on s’est mis en pyjama. On s’est pris chacun un Popsicle.
« Quand est-ce que les filles reviennent du camp ? » que je lui demande.
« Deux semaines », qu’elle me répond.
« Au moins, nos tomates ancestrales coûteront pas cher cet été. »
« Et on va en profiter… Ça, tu peux compter sur moi. »
Mon quart d’Italienne, c’est comme ça que je l’aime.
*
Allez, bon samedi !
La chronique Angle mort fait relâche pour deux semaines, de retour le 2 août. J’espère que vous réussirez à passer un bel été malgré tout !
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Parlant de pain, c’est chez Johny Cat Records, justement, qu’Isabelle m’a acheté pour Noël ce « best of » de Bread. Je ne sais pas comment j’ai réussi à passer à côté de ce groupe originaire de Los Angeles. Moi qui pensais connaître la musique des années 1970, ce groupe était resté complètement dans mon angle mort. Alors, je vous offre mon coup de cœur :
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Je m’appelle Steve Proulx.
Pour gagner ma vie, j’écris. Je fais ça depuis près de 30 ans. Vous m’avez sans doute déjà lu quelque part (ne serait-ce qu’en ce moment même).
Voir aussi :
Ma job de jour : pour vos besoins en contenus rédactionnels
Mes romans jeunesse : Le cratère (Éditions de la Bagnole)
je vous souhaite une belle relâche, tant des enfants que de l'infolettre.
pour ma part, je n'ai pas d'enfant. mais j'aime quand mes amis arrivent avec leurs kids. je suis content quand tout ce monde décr*ss à cause les enfants ça touche à toute
Bon samedi - dans l'avenir, ca sera les enfants qui vont suggerer ou aller pour que ta douce moitié puisse passer du 1/4 au 1/2 Italienne. Dans l'interim je vous invite pour un café authentique pour compenser a larnaque que vous avec subi - bonne été