Le samedi 29 mars 2025
Quand ma douce m’a demandé : « On regarde-tu ça ? », j’ai répondu « bwof » sans réfléchir.
Je pensais que c’était une autre histoire d’ados ; la série s’appelle quand même Adolescence.
C’est sur Netflix. Je sais. Mais rassurez-vous, au moins c’est une série britannique. Et ne butez pas sur le titre. Ça s’appelle Adolescence, mais cette émission contient des scènes de violence et un langage vulgaire, et s’adresse à un public adulte.
Nous préférons vous en avertir.
Bienvenue aux abonné(e)s de la semaine : Linda P., Marie-Pier F., Sébastien L., Lila M., Maryté, Ty, William D. et Pascal V..
C’est 🎂 ma fête 🎉 dimanche et je contemple tranquillement le millier d’abonné(e)s à ces rendez-vous du samedi. Alors, je ne vous demande qu’une chose :👇👇👇
Le « yoin »
Tout le monde parle de cette série, ai-je appris chez Pénélope. Tout le monde capote, sauf Marc Cassivi, bien sûr. Il n’a aimé que deux épisodes sur les quatre. Toujours pareil avec lui, jamais capable d’avoir l'unanimité sur rien.
De quoi on parlait ?
Adolescence.
Je ne vous raconterai pas l’histoire, faites vos recherches. Je ne commenterai pas la virtuosité des plans-séquences ni le jeu des acteur(-trice)s, qui est à s’en débâtir la mâchoire.
J’aimerais plutôt vous parler d’un mot japonais que j’ai appris cette semaine, ici même sur Substack.
Yoin.
Comment ça se prononce ? « Yo-eene ». C’est le mot que les gens de là-bas utilisent pour décrire le son persistant d’une cloche.
Métaphoriquement, il évoque aussi les sentiments qui résonnent en nous après avoir lu un grand livre, vu un film bouleversant.
C’est la réverbération émotionnelle d’un moment.
Adolescence, j’y repense encore.
Une tragédie moderne
Si vous avez fait vos recherches, vous savez déjà que l’intrigue d’Adolescence n’a rien à voir avec un épisode de Watatatow, où l’enjeu était de savoir si Couillard allait réussir à convaincre ses parents de lui acheter une batterie.
Crisse qu’on n’est pas là.
L’adolescence a toujours porté en elle le germe de la tragédie, bien sûr. Sauf qu’ici, le drame prend des proportions carrément buzzantes.
Un signe des temps, sans doute, car notre époque a ceci de particulier : si quelque chose doit devenir un problème, le problème va devenir gros en maudit, vite en titi.
Pour ça, il faut remercier les géants numériques qui ont pris possession de notre monde connecté.
*
Depuis des années, des régiments de spécialistes au service de l’oligarchie de la tech s’emploient à rendre nos jeunes accros aux plateformes « sociales » en exploitant la faille de leur égo, les fragilités de leur identité en construction.
Cet assaut algorithmique sur la jeunesse n’a pas vraiment pour objectif de répandre les idées de ces crétins de masculinistes.
Le bobo que gratte la série Adolescence, c’est un dommage collatéral.
L’objectif de ces plateformes n’a toujours été qu’une chose : aider les marques à prendre racine dans l’esprit des masses. Le terreau fertile qu’elles cultivent, c’est nous.
Et il s’avère qu’un terreau jeune est préférable sur le long terme.
Résumons-nous :
Le petit thème d’Adolescence, ce sont les séquelles aussi choquantes qu’anecdotiques du masculinisme toxique sur des jeunes en mal d’amour-propre.
Le grand thème, c’est qu’on s’est habitué à cette odeur qui empeste notre monde parce que personne n’est capable de tirer la plogue de ces plateformes marketing qui veulent nous avoir, et qui nous auront.
C’est fou les problèmes sociaux, à l’échelle planétaire, qu’on s’est créé juste pour rendre la pub plus efficace.
Je pense que c’est le « yoin » qui m’est resté de cette série.
L’Univers conspire
J’ai trouvé l’Alchimiste de Paulo Coehlo dans un Croque-livres, l’autre jour.
Je me suis souvenu qu’une lectrice m’a dit que ce livre avait changé sa vie.
C’est un conte philosophique qui suit un jeune berger qui se lance à la poursuite de sa raison de vivre, que Coehlo appelle « Légende personnelle ». Il écrit :
« Accomplir sa Légende personnelle est la seule et unique obligation des hommes. [...] Et tout l’Univers conspire à te permettre de réaliser ta Légende personnelle. »
Au risque de faire un Marc Cassivi de moi-même, je n’ai pas trouvé le livre très bon.
J’avais l'impression de lire la Bible.
Sauf que je n’ai pas le choix de reconnaître que si l’Univers conspire, il a conspiré sérieusement cette semaine.
Car alors que j’étais en train d’écrire le passage de cette chronique qui concerne l’opération d’asservissement à la dictature des marques menée par les géants numériques… mon ado de fille est entrée dans ma chambre.
Elle voulait que j’entende son exposé oral en anglais. Elle devait écrire un texte sur le thème : « Si j’étais un objet… »
Avec son autorisation afin d’éviter les poursuites, je reproduis ici quelques extraits :
If I could be an object, I would be a Walmart sweatpants.
(Si je pouvais être un objet, je serais un sweatpants de Walmart.)
They are the perfect baggy pants.
(Ce sont des pantalons amples parfaits.)
They are like a part of me.
(Ils sont comme une partie de moi.)
They bring happiness to so many people.
(Ils apportent du bonheur à tant de gens.)
Yoin.
Je l’entends encore, cet exposé oral.
Cette fierté dans les yeux de ma fille, mordue de TikTok, qui déclame un poème parfaitement aligné avec les axes de comm. que les salopards chez Walmarde ont réussi à incruster dans sa tête.
« Des pantalons qui font partie de moi. »
On parle ici d’un vêtement fabriqué quelque part comme au Pakistan, par de pauvres illettrés dans une manufacture suffocante.
« Ils apportent du bonheur à tant de gens… »
Yoin.
Ils voulaient t’avoir, ma fille, ils t’ont eu…
*
Allez, bon samedi !
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Un café, peut-être ? ☕️
Ce n’est quand même pas d’hier que les adolescents ne vont pas bien. Ça m’a rappelé cette chanson qui décapait les murs en 1998. Est-ce la meilleure de The Offspring ? Je pense que oui.
Écoutez mes « chansons pour la route » et d’autres découvertes sur Apple Music >
Vous avez un(e) ado qui traîne quelque part ? Mettez-lui entre les mains quelque chose de bien : les deux premiers tomes de ma série Le cratère.
Je m’appelle Steve Proulx.
Pour gagner ma vie, j’écris. Je fais ça depuis près de 30 ans. Vous m’avez sans doute déjà lu quelque part (ne serait-ce qu’en ce moment même).
Voir aussi :
Ma job de jour : pour vos besoins en contenus rédactionnels
Totalement en accord avec vous pour Offspring, je considère moi aussi que « the kids aren’t alright » est leur meilleure toune. Les paroles viennent me chercher.
Merci, comme d'habitude. La serie sera disponible maintenant dans les écoles en angleterre. On attends quoi ici?
Si les tendences se maintienne....At Black Colleges, a Stubborn Gender Enrollment Gap Keeps Growing
Only 19 percent of students at Howard University are Black men, whose enrollment levels at four-year colleges have plummeted across the board. - NYTimes
Votre fille est chanceuse ayant fait le choix de bon parents!
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