Le samedi 28 septembre 2024
À l’attention de Monsieur Mario Dumont, ex-politicien et animateur vedette,
Par cette lettre, j’aimerais vous interpeler à propos d’une déclaration faite dimanche dernier sur le plateau de l’émission Tout le monde en parle.
À une question concernant votre nouvel emploi de morning-man, vous avez laissé entendre que la station radiophonique concurrente était « un peu moins proche des gens »(1). Alors que vous, vous l’êtes.
Cette affirmation m’a surpris un brin, je l’avoue.
Je croyais bien naïvement faire partie « des gens ». Pourtant, je ne ressens aucune proximité avec vous, vos idées ou ce que vous représentez.
Auriez-vous commis la maladresse de mettre tous les « gens » dans le même bol de soupe ? Ce potage m’a semblé d’un goût douteux.
De quels « gens » parliez-vous ?
Permettez-moi au passage d’accueillir les « gens » formidables qui se sont abonnés récemment à la chronique : Frédéric R., Gilbert D., Manon G., Josée A., Alassane F., Martin B. et Olivier C.. Merci et merci encore. Je me sens si proche de vous, vous pouvez pas savoir !
Vous aussi pouvez inaugurer vos samedis matin en bonne compagnie :
Mais qui sont ces gens ?
Monsieur Dumont, je vous connais depuis de nombreuses années. Ça ne fait pas de nous des proches pour autant.
D’abord, je ne partage pas vos idées. Sans vouloir vous vexer, je vous ai longtemps considéré comme un jeune avec de vieilles idées.
Les années passant, on pourrait dire que votre âge est en train de rattraper celui de vos idées, mais ce serait inexact. Tout comme moi, nombre de gens ayant vu pleuvoir ne fréquentent pas votre sauna idéologique. Ils n’en sont pas moins des gens.
Vous vous êtes fait un nom grâce à la politique, domaine qui a ce côté pratique : on peut mesurer à la virgule près le poids de la population qui ne partage pas votre vision du monde.
Ainsi, 93,5 % des gens n’ont pas voté pour vos idées politiques lors de votre première campagne électorale, il y a 30 ans. Et ils étaient 83,6 % à faire la même chose lors de votre dernière campagne, en 2008.
Je le reconnais, en 15 ans de vie politique, vos idées sont parvenues à convaincre des gens.
Pas les gens.
Je répète donc ma question : qui sont « les gens » dont vous vous croyez proche ?
Les gens comme vous ?
Après votre départ de la vie politique, vous vous êtes reconverti en animateur de télévision et de radio qui trouve aussi le temps de scribouiller des chroniques dans un journal. Autant de prestations de service au profit d’un seul et même employeur.
Depuis 12 ans, vous brillez pour ainsi dire dans la bulle hermétique de l’empire Québecor.
Ce travail vous a très certainement rendu riche. Ou alors vous avez fort mal négocié votre contrat.
Ce travail vous a aussi donné une visibilité vachement plus grande que lorsque vous étiez seul à porter vos couleurs à l’Assemblée nationale, avec vos quelques misérables minutes mensuelles de temps de parole à la période de questions.
Que vous le vouliez ou non, Monsieur Dumont, vous faites maintenant partie de l’élite médiatique de notre société.
Votre employeur vous a donné un pouvoir d’influence important et le chèque de paie correspondant.
Alors, de qui donc êtes-vous « proche » aujourd’hui ? Des vedettes de TVA et du gratin de la classe politique que vous croisez dans le cadre de vos fonctions ?
Parliez-vous de ces gens-là, sur le plateau de Tout le monde en parle ?
On vous voit venir
À ce moment-ci, monsieur Dumont, en votre qualité d’ex-participant à Génies en herbe, vous avez certainement décelé le doux sarcasme de cette lettre.
Je ne suis pas à ce point naïf. J’ai bien vu ce qui se cache derrière votre prétention d’être « proche des gens ».
C’est juste du populisme bien dégoulinant.
Les « gens » dont vous vous réclamez représentent en fait cette frange de la population qui ne fait pas partie d’une élite, qu’elle soit politique, médiatique, journalistique, artistique, bourgeoise, intellectuelle, urbaine ou économique.
En plus, « ces gens », vous les traitez avec condescendance. Pour vous, il en va de votre mission d’expliquer les choses dans des mots simples pour que « les gens » comprennent.
Traitez-les de cons, un coup parti.
Réécoutez-vous. C’est essentiellement ce que vous avez laissé entendre à Tout le monde en parle, vous, le millionnaire de l’élite médiatique qui cherche à se faire passer pour « un gars ben ordinaire ».
Désolé de péter votre bulle, Monsieur Dumont, mais vous n’êtes pas plus « proche des gens » qu’un autre.
Vous n’êtes ni le défenseur, ni le représentant, ni le héros « des gens ».
Prétendre le contraire, c’est perpétuer cette mécanique de division au cœur de la logique populiste. C’est nourrir cette foutue polarisation qui pourrit tout.
C’est mettre les gens dans des camps. Ceux qui sont avec vous, ceux qui sont contre vous. Il y a « les gens », il y a « les autres ».
« Moi, je suis proche des gens; lui, il l’est pas. »
Élevez-vous donc un peu. Vous avez un public, c’est tout. Que vous tentez de servir au mieux de vos compétences, c’est tout.
Alors, quand on vous posera la question la prochaine fois, inspirez-vous de La Poune : dites que vous aimez votre public et que votre public vous aime.
Et laissez « les gens » tranquilles.
Sur ce, veuillez agréer, Monsieur Dumont, l’expression de mes sentiments distingués.
*J’ai pris ça où?
Tout le monde en parle : histoires de reconstruction, par Richard Therrien (Le Soleil, 22 septembre 2024)
Parlant de ça
Autre tic populiste de certain(e)s représentant(e)s de la classe politique : penser que les « gens » leur appartiennent. Josée Boileau en parle dans L’actualité : « Le possessif [nos usagers, nos infirmières] est souvent employé par les responsables politiques pour évoquer des catégories délaissées ou mal payées […] En employant le « nos », l’élu tente de rétablir une proximité brisée : même s’il ne fait pas, lui, partie du groupe, voyez, il garde un lien. »
Des nouvelles de La nouvelle place
Je vous ai déjà parlé de La nouvelle place, l’initiative citoyenne dont je fais partie et qui veut doter le Québec de son propre média social sans but lucratif et responsable. Ce n’est pas la seule initiative du genre. J’ai l’impression qu’une petite guérilla s’organise, ici comme ailleurs, pour nous libérer du pouvoir écrasant des GAFAM.
Tenez, La Presse a fait état cette semaine d’initiatives citoyennes en ce sens. Je m’y exprime au nom de La nouvelle place :
De meilleurs réseaux sociaux s’en viennent, par Alain McKenna (La Presse, 22 septembre 2024)
On jase, là
À ma question de la semaine dernière, vous avez été 57 % à ne pas comprendre ce que nos élu(e)s foutent encore sur X.
À l’inverse, 3% d’entre vous croient que leur présence sur le média social en déroute d’Elon Musk représente « un devoir démocratique ». Je soupçonne l’ironie, ici.
Ma question de la semaine :
Mardi prochain, ce sera le débat entre les colistiers des candidats à la présidentielle américaine :
Encore là ? J’ai besoin de vous !
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Qui suis-je ?
Je m’appelle Steve Proulx. Pour gagner ma vie, j’écris. Je fais ça depuis près de 30 ans. Vous m’avez sans doute déjà lu quelque part (ne serait-ce qu’en ce moment même).
Suivez mes autres aventures :
Et que dire de ses analogies ou comparaisons si boiteuses. On peut écouter Olivier Niquet, de La journée est encore jeune, pour le constater. Tout un tas de sophismes de la part de Mario pour tous ces « gens » qui l’écoutent… c’est triste.
Aussi savoureux que mon café du samedi matin! C'est vrai, Il faut répondre au mépris. Autant celui qui méprise ceux dont il ne sait pas grand-chose que celui qui se méprend sur qui il est pour ceux-là.