Le samedi 7 septembre 2024
Ça c’est passé mercredi. Aussi bien dire un bail. Le superministre Pierre Fitzgibbon prenait la porte, et moins de vingt-quatre heures plus tard, l’ensemble de l’industrie québécoise du commentaire politique avait préparé, emballé et livré son produit sur tous les canaux.
Tout a été dit. Que dire de plus ?
Une chose, tout de même. Si on a bien relevé le caractère précipité de cette démission, on ne semble pas avoir remarqué cet opportun timing : rendre son tablier en septembre, ça libère tout l’agenda pour l’automne… pile durant la saison de la chasse au faisan.
Hasard ? Coïncidence ?
Pensez-vous que la perspective de persécuter cet oiseau sans avoir à subir les remontrances d’une commissaire à l’éthique n’a pas (un peu) pesé dans la balance de M. Fitzgibbon ?
Pourquoi les médias n’en ont pas parlé, de ça, hein, POURQUOI ?
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Parler de la game
L’industrie du commentaire politique ne semble pas souffrir de l’actuelle pénurie de main-d’œuvre. Cette faune est vigoureuse. Et aux aguets.
Ces incontournables moineaux de la sphère médiatique sauteront sur la moindre déclaration intrigante d’un élu sur X pour nous en régurgiter une chronique, une réaction, une observation.
Chaque jour, un nouvel épisode : Jagmeet Singh s’est-il peinturé dans le coin en déchirant son entente avec les libéraux ? Comment le PQ reprendra-t-il la circonscription de Terrebonne ? Deux bons ministres valent-ils mieux qu’une superministre ?
Chaque soir au Téléjournal, on en case trois dans l’écran pour disserter des tenants et aboutissants du dernier ajustement du cabinet Legault, ou de la dernière calembredaine de Pierre Poilièvre.
On glose sur la stratégie de tel parti, on fait état des points marqués par tel chef auprès de tel électorat. On brandit des statistiques, on fait des pronostics.
On parle de la game politique, car on couvre la chose comme on couvre une saison de hockey. En puisant d’ailleurs dans le même champ lexical.
Et avec la rentrée parlementaire qui approche, on nous annonce un gros automne, des revirements inattendus, de l’intrigue, des dossiers chauds.
Tout un spectacle.
Sommes-nous bien servis ?
Je ne reproche pas aux médias de parler de politique, mais la couverture sportive qu’on en fait est-elle la meilleure façon de servir le public ?
Suivre au quotidien les moindres soubresauts de ce téléroman nous permet-il, à nous, de faire un choix plus éclairé, dans l’isoloir, une fois aux quatre ans ?
Oui ? Non ? Pas rapport ?
Et quand on consacre du précieux temps d’antenne à débattre des résultats d’un autre sondage sur les intentions de vote de 1000 Québécois(e)s à propos d’une élection qui n’aura pas lieu avant le 5 octobre 2026, est-on en train d’informer le public ?
Ou s’agit-il juste de jaser pour jaser ?
À qui profite tout ce cirque politico-médiatique ? Vous sentez-vous concerné, vous, le public ?
*
Pat White m’a dirigé vers la lecture de cet article : l’auteur y soutient que le fait de suivre l’actualité quotidienne n’apporte aucun gain positif dans sa vie, ni rien d’utile pour mieux jouer son rôle de citoyen(ne).
En fait, lire des livres serait plus enrichissant que d’avaler notre bol de nouvelles du jour.
Ce discours, je l’entends de plus en plus souvent.
J’en suis convaincu, se plonger dans un livre est un bien meilleur moyen de comprendre à fond un aspect de notre monde; suffisamment pour avoir envie d’y prendre part.
Je peux vous citer dix livres qui ont concrètement changé ma vie, mais aucun article de journal.
Un autre journalisme est possible
Dans le même ordre d’idées, un groupe de réflexion, News Alchemists, s’est donné la mission pas du tout ambitieuse de « réinventer le journalisme », et ce, en commençant par revoir sa mission.
Selon ce groupe, « le journalisme a le pouvoir et la responsabilité d’avoir un impact positif sur la société ».
On avance une idée neuve ici : que le journalisme se détourne de sa traditionnelle posture d’observation neutre et détachée des faits pour jouer un rôle actif sur l’avenir du monde.
Ça me rappelle ce que plaidait Philippe de Grosbois(1) : « Alors que nos sociétés deviennent de plus en plus inégalitaires et risquent de glisser progressivement vers un régime oligarchique ou de “démocratie autoritaire”, un journalisme qui souhaite véritablement se placer au service du public ne peut se contenter d’être neutre. »
L’auteur imaginait un journalisme qui prend position, qui mobilise, qui joue un rôle de contre-pouvoir.
De la même manière, les News Alchemists embrassent cette vision rénovée du journalisme : « Les médias devraient être une force de lien social, un rassembleur de personnes au-delà des différences et un facilitateur quant à ce qu’il faut faire une fois que les faits ont été mis à nu. »
Si on voulait présenter les choses vulgairement (ma spécialité), on pourrait rêver d’un journalisme qui ne se contente pas de nous mettre en crisse contre tout, mais qui nous donne des pistes utiles pour qu’on puisse faire quelque chose de bien avec le monde qu’on a entre les mains.
C’est vrai, quoi. Pourquoi s’informer sur le monde ne serait-il pas un moyen de s’y investir ?
*
Allez, bonne chasse au faisan !
*J’ai pris ça où
La collision des récits, par Philippe de Grosbois, Les Éditions Écosociété, 2022
Vous travaillez en culture ?
Je vous invite à la présentation que je ferai le 25 septembre prochain, à 8 h 30, de l’initiative La nouvelle place, le futur média social québécois et coopératif.
Cette présentation s’adresse aux représentant(e)s d’organisations du milieu culturel. Je présenterai la plate-forme, son modèle d’affaires, la place que nous imaginons pour la culture, et vous pourrez poser toutes vos questions !
Encore là ? J’ai besoin de vous !
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Qui suis-je ?
Je m’appelle Steve Proulx. Pour gagner ma vie, j’écris. Je fais ça depuis près de 30 ans. Vous m’avez sans doute déjà lu quelque part (ne serait-ce qu’en ce moment même).
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« Je peux vous citer dix livres qui ont concrètement changé ma vie » : ça met l’eau à la bouche… on veut les titres!