Le samedi 31 août 2024
On a fini de souper. La vaisselle est faite. Les filles sont montées dans leurs chambres. On s’écrase enfin pour jouir d’une heure ou deux de télé.
La veille, j’avais proposé à ma blonde un projet d’envergure : qu’on se fasse un festival « Meryl Streep » en voyant ou revoyant tous les films de l’actrice, dans l’ordre chronologique.
« Faque, on part ça ? » lancé-je alors à ma douce, Doritos en main.
Son premier film disponible sur nos plates-formes, c’est Voyage au bout de l’enfer (V.F. The Deer Hunter), chef-d’œuvre de Michael Cimino, une cote de 2 - Remarquable selon Médiafilm, cinq fois oscarisé, qui a valu à Meryl sa toute première nomination pour la statuette dorée.
Bref, ça part fort.
Mais ça n’ira pas plus loin.
Ma douce n’a pas envie de faire le voyage. Apparemment, pour cette petite nature, voir Robert de Niro et Christopher Walken jouer à la roulette russe au fin fond de la jungle vietnamienne, c’est un peu too much pour un lundi soir.
« Bon… Voyons ce qu’il y a à la télé… » enchaîné-je alors, lucide en ce qui concerne l’avenir du festival « Meryl Streep ».
Il n’en sera d’ailleurs plus question du reste de la semaine.
Permettez-moi cette pause publicitaire pour remercier bien bas ceux et celles qui ont souscrit un abonnement payant cette semaine : Jean-Michel Julien, Blaise Gagnon, Sylvain Carle, Bureau Beige et Lise Lessard.
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Voyage au bout de la télécommande
Nous décidâmes donc de partir pour une autre sorte de voyage en naviguant dans le guide-horaire à l’écran à la recherche de quelque chose de convenable pour un petit lundi soir de cette fin d’août 2024.
Rien ne s’impose d’emblée.
TVA passe le spectacle de Laurent Paquin, Déplaire. On essaie. L’humoriste soutient qu’on ne peut pas plaire à tout le monde. Après 10 minutes à l’entendre disserter sur la question, ma blonde finit par lui donner raison.
On zappe.
Nous voilà à Télé-Québec, à l’émission Kebek, animée par Rose-Machin Automne-Quelque chose. On arrive juste avant la pause : l’animatrice nous annonce qu’au retour, on va parler d’Alfred Pellan.
« Voilà qui est de bon augure » lance ma douce (pas tout à fait en ces mots).
On consent donc à tolérer cette pub de yogourt dans laquelle un muffin chante une complainte, car sa maîtresse l’a laissé tomber au profit d’une autre collation, un yogourt « ïoooooogo! »
La ritournelle est accrocheuse.
Puis, l’émission revient enfin. Tel que promis, on parlera de Pellan… pendant cinq minutes.
Rose-Amour T. Machin nous règle le cas du peintre immense en trois coups de cuillère à pot : il était super connu, il a fait plein d’affaires dont des murales partout dans le monde (on ne va pas nous en montrer une seule), mais il n’y avait que 8-9 personnes à ses funérailles, dont Guy Fournier.
Puis, c’est le générique de fin.
« Voyons donc, that’s it ? » s’insurge ma douce (exactement en ces mots).
That was it.
À peine remis de ce coït interrompu, la télé était déjà passée à une autre pause publicitaire. Le muffin est revenu chanter « ïoooogo! », histoire de s’assurer que le nom de la marque était toujours bien ancré dans notre esprit.
Il l’était. On zappe encore. À l’autre chaîne, encore une pub. De PFK, cette fois. Et là, on tombe des nues.
Figurez-vous que PFK a décidé d’élever d’un cran l’obscénité de sa cuisine en casant dans un sandwich une galette de poulet frit du colonel et une motte de Kraft Dinner.
Dans l’évolution du menu de la chaîne, j’imagine que la suite logique, c’est de vendre carrément un bol de vomi.
Cela dit, de notre soirée déjà bien entamée, on peut dresser un assez décevant bilan provisoire :
Laurent Paquin ne plaît pas à tout le monde.
Guy Fournier pouvait entendre les mouches voler aux funérailles de Pellan.
PFK a touché le fond du vari-baril.
L’estifi de ritournelle de la pub de yogourt ne nous sort plus de la tête.
Regarder la radio
Avant de s’étouffer avec le bouillon de culture que notre télé nous a préparé, on tente notre chance sur une plate-forme à la demande : TOU.tv.
Il y a du nouveau : la version vidéo de l’émission de radio La journée (est encore jeune).
C’est la dernière trouvaille du diffuseur public : planter des caméras dans les studios de la Première chaîne pour permettre au peuple de regarder la radio. L’opération, on l’a bien deviné, permet au passage de vendre de la publicité autour de ces émissions qui, dans leur format radiophonique, en sont hélas dépourvues.
Ainsi, avant d’atteindre la version vidéo de La journée, on a le bonheur de retrouver le muffin « ïooooogo! » qui nous court après depuis le début de la soirée. Suivra une autre pub : une jeune femme nous explique qu’après avoir fait du sport, elle « sent » du derrière du genou. Je n’invente rien.
Heureusement, grâce à son déodorant intégral Secret Whole Body, le problème est résolu. C’est ainsi que ma douce et moi découvrons avec stupeur que le marché du déodorant ne se contente plus des aisselles. Il veut aussi qu’on s’en applique sur les coudes.
Les publicités passées, nous retrouvons enfin les trois gars de La journée (est encore jeune) autour d’une table. J’aime bien cette émission à la radio, je tiens à le préciser. Cette heure quotidienne est un parfait complément à des activités comme 1) vider le lave-vaisselle 2) décaper un vieux tabouret 3) préparer un pesto.
En somme, l’émission fonctionne merveilleusement dans un contexte où l’on fait autre chose en l’écoutant.
Toute la nuance est là.
Parce que dans le contexte d’un sofa et d’une soirée télé qui a déjà usé notre patience, on s’attend à ce que notre attention se mérite un peu.
Or, quand JS Tendresse nous a expliqué qu’il avait « strappé » ses petits totons de graisse pour mieux passer à la télé, on a commencé à s’ennuyer cruellement de notre lave-vaisselle.
C’est fou à quel point du contenu qui passe comme du beurre sur la poêle à la radio peut vite se transformer en minutes de notre vie qui ne reviendront jamais lorsque transposé à la télé.
Le médium, c’est le message, j’imagine.
Je persiste et signe : une émission de radio à la télé, ça ne fonctionne pas.
//
Après quelques minutes à regarder des gens parler entre eux, je consulte l’heure. Ça sent la fin de soirée. Mon sac de Doritos est vide. J’ai faim.
Je mangerais un muffin.
Je jette un coup d’œil à ma douce. Elle regarde son téléphone.
On aurait peut-être dû risquer ce Voyage au bout de l’enfer, en fin de compte. Meryl Streep a-t-elle jamais déçue ?
Désemparé, je me rabats sur YouTube, qui me recommande la vidéo d’un gars qui restaure une vieille perceuse à manivelle.
Je vous le donne en mille : c’est la chose la plus intéressante qui me sera donnée à voir cette soirée-là.
Je me laisserai émouvoir par ce savoir-faire étonnant, puis nous irons nous coucher.
À 3h41 du matin, quand l’alerte Amber sonnera en provoquant des infarctus aux quatre coins de la province, je ne saurai plus me rendormir.
La chanson du muffin tournera encore en boucle dans ma tête. Pour penser à autre chose, j’écrirai cette chronique.
Je le ferai d’abord pour la postérité, pour garder une trace de cette époque saoulée au divertissement facile.
Un jour, des historiens du futur auront peut-être envie de savoir à quoi ça ressemblait, une soirée télé ordinaire en 2024.
Eh bien, ça ressemblait à ça.
*
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Qui suis-je ?
Je m’appelle Steve Proulx. Pour gagner ma vie, j’écris. Je fais ça depuis près de 30 ans. Vous m’avez sans doute déjà lu quelque part (ne serait-ce qu’en ce moment même).
Suivez mes autres aventures :
Meryl Streep comme présidente des USA dans "Don't look up" ; une genre de Trump féminine meilleure que le vrai. Aussi un bon truc pour partir une bonne chicane de couple; quand on s'aperçoit que l'autre regarde son téléphone durant qu'on écoute la tele, changer de chaine en insinuant que ca ne les intéresse pas. Chez nous, ca fonctionne a tout coup.
J'ai récemment revu le film-culte ''Idiocracy'', produit par Mike Judge en 2006. C'est loin d'être un chef-d'oeuvre et Meryl Streep ne joue pas dedans, mais à presque 20 ans de distance, je dois admettre qu'il y a quelque chose de visionnaire dans ce décor dystopique, qui est au fond le réel intérêt du film. J'en parle parce que c'est en plein le thème de la chronique de ce matin. Ma fille de 14 ans a adoré...